Un jour, au temps d’autrefois, compère Bouc alla dîner chez son voisin, compère Lapin. Compère Lapin n’avait pas une goutte d’eau à boire. Alors compère Bouc dit comme ça à compère Lapin:
— Moi non plus, je n’ai pas d’eau, si tu veux venir par là, nous allons creuser un puits.
Compère Lapin secoua la tête:
— Non, compère Bouc; le bon matin je bois la rosée sur l’herbe et dans le jour, quand j’ai soif, je bois dans la piste de la vache.
Alors compère Bouc fouilla son puits tout seul. Après qu’il eut fouillé le puits, quand il courut chercher de l’eau de bon matin, il vit la trace de compère Lapin au ras du puits. Il se gratta la tête et s’écria:
— Mon compère, je vais t’attraper.
Il court prendre ses outils et il fait une grosse catin avec du bois de laurier. Il la goudronne, la goudronne jusqu’à tant qu’elle fût noire comme négresse de Guinée. Le soleil tombé, compère Bouc courut planter sa catin, debout au ras du puits. Dans la nuit, la lune tapait clair; compère Lapin vint avec son baquet pour chercher de l’eau. Quand il voit la petite négresse, il s’arrête, se baisse et la regarde bien.
— Quelle bête est-ce là?
Il la hèle; petite négresse ne bouge pas, ne répond pas. Compère Lapin avance un peu et la hèle encore; petite négresse ne répond pas. Il prend courage et il s’avance au ras du puits. Quand il regarde dans le puits, petite négresse regarde aussi. Compère Lapin commence à être colère.
— Petite, si tu regardes dans ce puits-là, je vais te f… sur la gueule.
Il se baisse au ras du puits et il voit la petite fille le regarder. Il lève sa main droite et la lui envoie.
— Pan!
Hé! sa main reste collée.
— Lâche-moi petite négresse, ou bien je vais te f… sur les yeux avec l’autre main. Il la lui f…
— Bim!
La main gauche se colle aussi. Compère Lapin lève son pied droit.
— Petite négresse congo, tu vois ce pieds-là, si je te le f…, tu croiras qu’un cheval t’a envoyé un coup de pied. Il le lui f…
Boum!
Le pied se colle, Compère Lapin lève l’autre pied.
— Tu vois ce pied-là? si je te l’envoie, tu croiras que c’est pierre de tonnerre qui te cogne. Il le lui f…
Tam!
— Le pied se colle encore.
Compère Lapin tenait bien sa catin!
— Sacrée Guinée! j’ai déjà battu bien du monde avec mon front; si je te cogne, je casse ta caboche en petits morceaux. Il assemble toute sa force et il cogne sa tête comme une masse. Ah ouais! elle se colle bien.
Quand le soleil fut levé, compère Bouc vint chercher son eau.
— Hé ! hé ! compère Lapin, que fais-tu là? je croyais que tu m’avais dit que tu buvais la rosée sur l’herbe et l’eau dans la piste des vaches! je vais te punir de me voler mon eau.
Compère Bouc court dans le bois, ramasse un gros tas de branches sèches, il allume du feu, puis court chercher compère Lapin pour le brûler. Il passait ensuite au près d’un tas de ronces, avec compère Lapin sur son épaule, quand il renconta sa fille Bétédie qui se promenait à cheval.
— Papa Bouc, pourquoi ne pas jeter vilain compère Lapin dans ces ronces? Compère Lapin, tout penaud dresse ses oreilles.
— Non! non! compère Bouc, ne me jette pas dans ces ronces; les piquants me déchireraient les yeux; jette-moi tout de suite dans le feu.
— Ah! coquin, tu ne veux pas courir dans ces ronces?
Eh bien! je vais te f… là dedans.
Et il l’y envoie tomber! Compère Lapin roule en bas du tas de ronce et rit:
— Kiak ! kiak ! kiak ! compère Bouc, tu n’étais pas capable de me jeter dans une meilleur place. C’est dans ces ronces que ma maman m’a fait.