Les animaux nobles - Conte de Tradition Orale

Longtemps, au temps jadis, quand tous les animaux avaient la parole, ils étaient fiers et orgueilleux. Absolument comme bien des gens que je connais qui voulaient changer de peau pour ne pas paraître au clair ce qu’ils étaient. Il y en avait beaucoup qui combinaient pour que leur papa, leur maman leur bisaïeul sortissent de grand race, pour paraître noble et monter en grandes places comme bien des blancs.

Alors et pour lors donc, Lapin, Macaque et Paon, Bourriquet et Dindon, Mouton et Léopard, avaient mis dans les gazettes qu’ils étaient seuls nobles, parmi toutes les bêtes.

Macaque s’était dénommé: «Gros Monsieur le Baron»; Bourriquet signa: «Le Conte Aliboron»; Dindon scinda son nom, gonfla comme un gros coffre; entre d et i, mit une apostrophe; Mouton renia son père; à Paris, il foutut le camp dans un grand bureau où, pour beaucoup d’argent, on change votre nom: moyen malpropre, ignoble que prend le roturier pour devenir noble. Alors on le nomma: «Vicomte Moutonné.» Par blason certifié, soit disant qu’il était né d’une maman sortie des fesses de Monsieur Jupiter, fils d’une grande déesse; Léopard cria aussi: il dit qu’il n’était pas bâtard, coupa son nom et signa: «Le Opard», en soutenant fièrement, furieux, en colère que son nom était ainsi écrit dans le dictionnaire.

Dès que chien l’entendit, il commença à japper, il se dit noble aussi et son titre intact en donnant son nom, avec une grande adresse il mit un gros «de», signe de la noblesse: «De Chien!» c’était beau!!! Après? pourquoi pas? Est-ce que chaque jour, dans un cas semblable, les gens ne tombent pas aussi bien que les bêtes? Différence? Il n’y en a point: Taupin vaut bien Maurette. Quant à l’Agouti, il dit: «Moi, je suis bien plus qu’eux; «Ma noblesse remonte au temps de Colo. «Il n’y en a pas deux comme moi pour batire la cornette,« Et qui, après son nom, ait le droit de mettre «Le nom du pays qu’il habite.» Aussi, il signe: «Agouti de Baillargent.» Lambi en fit autant, le noble par patente. Il dit et signa: «Jean Lambi de Bouillante.» Lapin, ce petit vantard, et Paon, de même, avaient mis un «Le» devant leur nom: «Le Lapin» et «Le Paon»!!! c’était vraiment cocasse, mais ce n’était pas nouveau; ils avaient suivi la trace où bien des gens avaient passé avant eux.

Il faut avouer, mes amis, qu’ils sont tous bien nigauds; l’ambition les a rendus fous. Ils ne savent donc pas que la noblesse est jolie que lorsque c’est la gloire et les beaux sentiments qui portent votre nom aux grands honneurs. Les talents seuls comptent pour entrer en grande place, Et il n’est pas besoin, pour cela , de sortir de grande race.

Napoléon premier, un petit officier, avec sa tête, montra ce qu’il était.

Tenez, entre les gens et les bêtes, où est la différence? Tous sont les mêmes, ici comme en France. Depuis notre naissance, la vanité, l’orgueil, Hélas! nous étouffent jusqu’au fond du cercueil; Hélas! nous font oublier comme un rêve, que nos père et mère étaient Adam et Eve, désanoblis en plein par un stigmate éternel qui les jetta dans le péché originel.

Après tout cela, il faudra, nous aurons beau dire et faire, que nous soyons nobles ou non, aller tous en terre.