Comment le loup fut battu à la course par deux escargots - Conte de Marc Guéchot wiki

Un jour, le Loup rencontra l'Escagot qui se hâtait péniblement de gagner une haie.

« Retire-toi, traînard ! lui cria-t-il. Je fais plus de chemin en un quart d'heure que toi en une année.
- Oh ! oh ! répondit l'Escargot ; c'est à voir. Écoute luttons à la course demain, à la rosée, et je consens que tu me croques si je n'arrive pas avant toi !
- J'accepte ; mais aie soin d'allonger tes cornes ; elles ne seront jamais trop longues pour toucher le but assez tôt.
- Nous verrons, nous verrons ; ne chante pas encore victoire. »

Le Loup enjamba son misérable adversaire avec un rire de pitié et partit en courant. Quand il eut disparu, l'Escargot s'en alla conter à l'un de ses frères le défi qu'il avait porté.

« Tu t'es beaucoup trop avancé, fit observer celui-ci. Comment pourrais-tu gagner de vitesse un loup, toi qui as peine en une journée à traîner ta coquille d'un bout à l'autre du champ que nous habitons ?
- Sans doute, mais j'ai compté sur ton assistance. Tu sais combien le Loup est peu intelligent; nous agirons donc ainsi : tu te placeras à une extrémité du champ, moi à l'autre, et...
- Bien ! bien ! Il ne s'apercevra pas que nous sommes deux. Je comprends.
- Alors mets-toi vite en route. Il faut que tu sois à ton poste demain de grand matin, et la traversée du champ n'est pas peu de chose.
- J'en serai quitte pour ne pas m'arrêter de la nuit. »

Sur ces mots, le voyageur sortit de sa coquille et, l'ayant bien établie sur son dos, partit avec une vitesse de quatre mètres à l'heure.

Le lendemain, au lever du soleil, le Loup arrivait. Sans lui donner le temps de respirer, l'Escargot l'apostropha :

« Allons donc, lambin plus vite ! As-tu peur ? Tiens, vois ce sillon ; en route, à qui l'aura le plus vite parcouru. Allons, au but ! au but ! »

Le Loup, excité par les cris de l'Escargot, se mit à courir sans s'apercevoir que celui-ci restait tranquillement à sa place. Il allait ventre à terre, faisant voler les mottes en poussière, essoufflé, haletant. Déjà, il voyait le bout du sillon et il allait l'atteindre, quand, soudain un Escargot dressa devant lui ses deux cornes, les agita en signe de victoire et s'écria :

« Cou-cou ! »

Le Loup fit un « oh ! » d'étonnement, avec un saut de côté ; puis il resta ahuri, persuadé qu'il voyait son compagnon de départ.

« T'avoues-tu vaincu ?
- Vaincu à la course par un Escargot... jamais ! Recommençons.
- Soit ! recommençons... Un... deux... trois, partons ! »

Et le Loup se lança à perdre haleine. Cette fois il volait ; un oiseau ne l'aurait suivi qu'avec peine. Près d'arriver, il tourna la tête pour voir où en était son concurrent. N'apercevant rien, il se crut vainqueur, quand, à un pouce de sa tête, retentit de nouveau le cri :

« Cou-cou ! »

Sans mot dire il fit volte-face et repartit... sans plus de succès, hélas ! Au bout du sillon, il trouva l'escargot triomphant.

La course continua longtemps de la sorte. Mais un moment vint où le nigaud tomba épuisé, à bout de forces. Il faillit en crever.