Hypnos, dieu du sommeil - Conte de Tradition Orale

(Adaptation libre de ...)

Il faut savoir que dans la mythologie grecque, on dit qu’au commencement il y avait le Chaos qui était un grand vide qui tenait dans un petit espace de rien du tout.

Le Chaos a donné naissance à l’Obscurité et à la Nuit. La Nuit a eu des jumeaux : Thanatos, la Mort, et Hypnos, le Sommeil.

Dans la Grèce antique, vivait un roi : Sisyphe. Pour les uns, c’était un roi intelligent et bon ; selon certains, il aurait été le père naturel d’Ulysse, ce héros qui s’est battu contre les cyclopes. Mais selon d’autres, Sisyphe était malhonnête, du genre à acheter le blé aux pauvres paysans pour des riens et à le revendre à prix d’or.

Il avait aussi le défaut d’ennuyer les dieux en se plaignant constamment de la température : « il faut trop chaud, il fait trop froid, il pleut trop souvent… » Ce qui n’était pas une bonne idée.

Un jour, où il avait encore dérangé les dieux, mais pas plus que d’habitude, Zeus, dieu du ciel et de la terre, irrité, avait mandaté Thanatos, la Mort, pour aller le chercher. La Mort s’était revêtue d’un son manteau noir, son grand chapeau noir, avait chaussé ses skis et avait descendu le Mont Olympe en ski pour se rendre chez Sisyphe.

Sisyphe l’avait reçue avec courtoisie, l’invitant à l’attendre au salon le temps qu’il termine son testament. Aussitôt la mort dans le salon, Sisyphe avait verrouillé la porte et l’avait scellée avec de la magie apprise lors d’un cours par correspondance. La Mort s’était retrouvée prisonnière et les humains avaient cessé de mourir, ce qui faisait bien leur affaire, il faut le dire.

Hypnos, le dieu du Sommeil, avait décidé d’aller délivrer son frère jumeau, mais mal lui en avait pris, Sisyphe l’avait enfermé dans une garde-robe. Les humains avaient alors arrêté de dormir.

Là, c’était moins drôle. Une nuit, ça pouvait toujours aller, mais après deux mois, car les somnifères n’existaient pas alors, les humains ne dormaient toujours pas et étaient si fatigués que de longues poches sous les yeux leur pendaient jusqu’au nombril.

L’immortalité commençait aussi à les agacer : au fil des années, les vieux devenaient impotents, les accidentés mortels souffraient le martyre, les guerriers revenaient honteux, la tête tranchée, sous le bras. Plus moyen de mourir.

Plus moyen de manger de la viande. On essayait de tuer un bœuf d’un bon coup de masse sur le front : rien, il ne bougeait pas. Après cinquante coups, l’animal était toujours debout, avec un mal de tête énorme. On visait les canards avec des flèches, mais les canards ne tombaient pas. Il arrivait même d’en voir passer avec une dizaine de flèches dans le corps. 

Les humains s’étaient révoltés : ils avaient fait des grandes marches, non pour la paix, mais pour la Mort ; avaient signé des pétitions et avaient même fait des lignes de piquetage devant le Mont Olympe : « On veut mourir ! L’éternité, c’est assez ! »

Les Dieux s’étaient réunis et Zeus était intervenu en personne. Avec son pouvoir immense, il avait libéré la Mort et le Sommeil. L’effet avait été immédiat : les humains tellement fatigués s’étaient endormis instantanément. Au bout de sept jours, la moitié seulement s’était réveillée, l’autre moitié étaient morte. Les vivants avaient enterré les morts ; ça leur avait pris une bonne centaine d’années.

Quant à Sisyphe, pour le punir, Zeus l’avait jeté en enfer, lui avait retiré le sommeil et la mort, et l’avait condamné à pousser une grosse pierre en haut d’une montagne, pour la regarder redescendre, et à la remonter à  nouveau, ainsi, à toutes les heures du jour et pour le reste des temps, et l’éternité, en enfer, c’est long longtemps, surtout vers la fin.