Il était une fois un roi si sage et intelligent qu’il comprenait le langage des animaux.
Je vais vous raconter comment il acquit ce pouvoir.
Un jour, une vieille femme vint au palais et dit: «Je veux parler au roi, j’ai quelque chose de très important à lui dire. »
Quand elle fut admise en sa présence, elle remit au roi un poisson étrange en lui disant : «Majesté, faites cuire ce poisson et mangez-le. Quand vous l’aurez avalé vous comprendrez tout ce qui se dit chez les oiseaux du ciel, les animaux qui marchent sur la terre, et les poissons qui vivent sous les eaux. »
Ravi d’avoir accès à des connaissances auxquelles tous les hommes aspirent, le roi récompensa généreusement la vieille femme et ordonna à un jeune serviteur de cuisiner le poisson.
«Mais prends garde, dit le monarque, «si jamais il te vient l’envie d’y goûter, tu goûteras aussi à mon glaive ! »
Georges, le serviteur, fut surpris par cette mise en garde et se demanda pourquoi son maître craignait tant qu’on touche à son poisson. Alors, il l’examina attentivement et pensa : «Jamais de ma vie je n’ai vu un poisson aussi bizarre, il ressemble plus à un reptile qu’à un poisson. Bon, où serait le mal si j’en prenais un petit morceau? Tout cuisinier goûte aux plats qu’il prépare ! ».
Quand le poisson fut frit, le cuisinier en goûta un bout, et comme il prenait un peu de sauce il entendit un bourdonnement dans l’air et une voix qui lui parlait à l’oreille. «Laisse-nous goûter une miette, laisse-nous goûter un peu» disait-elle.
Il regarda autour de lui pour voir qui prononçait ces paroles, mais il n’y avait que quelques mouches bourdonnant dans la cuisine. Au même moment, quelqu’un dans la cour parla d’une voix dure et saccadée :
– Où allons-nous nous installer? Où? Quelqu’un répondit :
– Dans le champ d’orge du meunier, ho! Dans le champ d’orge du meunier .
Georges se retourna pour voir d’où provenait cet étrange dialogue et il ne vit qu’un jars volant à la tête d’un troupeau d’oies. «Je sais maintenant pourquoi mon maître attachait tant de valeur à son poisson et pourquoi il voulait être le seul à y goûter ! Quelle chance , j’ai bien fait d’en prendre un bout».
Georges savait désormais qu’en mangeant un morceau de poisson, il avait appris le langage des animaux, aussi, après en avoir pris encore un peu, il alla servir le reste au roi comme si de rien n’était.
Lorsque le roi eut dîné, il ordonna à Georges de seller deux chevaux et de l’accompagner pour une promenade. Ils furent bientôt hors du château, maître devant, serviteur derrière.
Comme ils parcouraient une prairie, le cheval de Georges commença à danser la gigue, il se mit à hennir en disant :
- Ah frère, je me sens si léger et de si bonne humeur aujourd’hui que je pourrais atteindre les montagnes là-bas d’un seul bond !
- Je pourrais faire la même chose, mais j’ai sur mon dos un faible vieillard qui pourrait tomber et se briser le crâne, répondit le cheval du roi,
- Qu’est-ce que ça peut te faire? Tant mieux s’il se casse la tête, car après au lieu d’être monté par un vieil homme tu seras monté par un jeune.
Le serviteur se mit à rire en entendant cette conversation, mais craignant que le roi ne l’entende, il prit bien soin de le faire en catimini. Malheureusement le roi se retourna et voyant un sourire sur le visage de l’homme, il lui en demanda la cause.
- Oh ce n’est rien, Majesté, c’est une bêtise qui a traversé mon esprit.
Le roi ne dit rien, et ne posa plus de questions, mais il était méfiant, et tenant à l’œil aussi bien son serviteur que les chevaux, il se hâta de retourner au palais.
Une fois au palais, il dit à Georges : «Donne-moi du vin, mais veille remplir correctement mon verre. Si jamais tu verses une seule goutte de trop et que le verre déborde, je demanderai à mon bourreau de te trancher la tête ».
Pendant qu’il parlait, deux oiseaux voletaient près de la fenêtre, l’un pourchassant l’autre qui tenait trois cheveux d’or dans son bec.
– Donne-les moi, dit l’un, tu sais qu’ils sont à moi !
– Pas du tout, c’est moi qui les ai pris !
– Peu importe, c’est moi qui les ai vus tomber pendant que la Fille aux Cheveux d’Or peignait ses cheveux. Au moins, donne-m’en deux, tu pourras garder le troisième.
– Rien du tout, tu n’en auras pas un seul !
Là-dessus, un oiseaux réussit à arracher les cheveux du bec de l’autre, mais dans la lutte, il en laissa tomber un qui fit un bruit métallique en heurtant le sol. Georges était si absorbé par ce spectacle que, pris au dépourvu, il oublia qu’il versait du vin et il fit déborder le verre.
Le roi était furieux. Convaincu que son serviteur lui avait désobéi et qu’il connaissait le langage des animaux aussi bien que lui, il lui dit : « Scélérat, tu mérites la mort, pour avoir désobéi à mes ordres, néanmoins, je vais me montrer clément à une condition : que tu amènes devant moi la Fille aux Cheveux d’Or pour que je l’épouse.
Que pouvait-il faire, hélas ? Le pauvre garçon était prêt à tout pour sauver sa vie, même à courir le risque de la perdre au cours d’un long voyage. Il promit donc de partir à la recherche de la Fille aux Cheveux d’Or mais il ne savait ni où ni comment la trouver.
à suivre...